Ming-Chun Tu porte son attention sur les transformations du végétal, sa fragilité et ses propriétés. Son travail artistique résulte de sa curiosité envers les plantes, de son émerveillement face au monde végétal. Aucune hiérarchie de regard lorsqu’elle se promène en ville ou en forêt… La moindre petite feuille peut attirer son regard et l’inciter à mener des expériences artistiques.

Pour cette exposition, l’artiste a pris le temps d’explorer son environnement proche, les rues de Saint-Ouen-sur-Seine. Elle a redécouvert la biodiversité urbaine en s’attachant aux arbres. Ces êtres vivants sont devenus ses points de repères au fur et à mesure de ses marches quotidiennes. Ses récoltes de feuilles ont alors donné lieu à diverses compositions aussi bien sculpturales que sur papier.

L’artiste expérimente des techniques qui nécessitent un temps long. Des surprises peuvent naître suite à la dernière étape de création de ses œuvres et certaines continueront de se transformer durant le temps. Ses gravures montrent des végétaux, des insectes, une biodiversité indicatrice des qualités d’un milieu. Parfois, une impression de mouvement se révèle. Ses œuvres invitent à reprendre contact avec la nature. Dans ses monotypes, semblables à des herbiers, le mouvement des feuilles est préservé par empreinte. Celles-ci paraissent à la fois posées au sol et en train de s’envoler. Les détails des formes des feuilles, gardés en mémoire se révèlent dans ses sculptures délicates en céramique. Leurs plis, leurs cassures et leurs postures sont soigneusement maintenus comme si leur possible envol était figé.

Son travail artistique est digne de celui d’un chimiste, d’un cuisinier, d’un chercheur qui poursuit toutes sortes d’expériences pour découvrir des réactions entre des matières, leurs rencontres et leurs transformations au fil du temps. Son processus créatif fait ainsi écho au temps du végétal, qui croît, évolue et poursuit sa croissance, se fane et renaît. Ses œuvres font surgir des souvenirs de moments passés à se promener en forêt, dans des parcs et des jardins. Ses rencontres avec le végétal sont également, pour l’artiste, à l’origine d’expériences de fabrication de ses propres couleurs. Les pigments obtenus racontent les propriétés de la plante. La couleur renvoie à un lieu et indique une caractéristique du végétal.

Dans ses dessins, elle poursuit les relations qui s’opèrent entre les couleurs issues des plantes, en faisant surgir des formes et en affinant sa perception. Ses travaux sur papier montrent ainsi des présences colorées, en écho à son regard bienveillant envers une végétation résiliente. Chacune de ses œuvres représente un indice pour découvrir les propriétés des végétaux et reconnaître les arbres en ville.

Ming-Chun Tu réunit ici un ensemble d’œuvres, qui témoignent de sa sensibilité et de son écoute envers une nature dont les secrets sont encore à découvrir. « L’origine de notre monde, ce sont les feuilles : fragiles, vulnérables et pourtant capables de revenir et revivre après avoir traversé la mauvaise saison 1 . », écrit Emanuele Coccia. Cette pensée traverse l’ensemble de ses œuvres. Tel un cabinet de curiosités du monde végétal et un laboratoire d’expériences pour observer les couleurs, son exposition révèle le cycle des saisons et des transformations des végétaux.

Pauline Lisowski

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1 Emanuele Coccia, La vie des plantes, une métaphysique du mélange, Payot – Rivages, 2016, p. 43